Étape 2/6 – Roveredo > Göschenen

Lundi 9 septembre 2024 – Roveredo – Suisse

Lever 6h45… j’ouvre les yeux, ma première pensée est de savoir si le temps est convenable… après la terrible étape de la veille, je ne suis pas trop motivé pour remettre le couvert ! J’ouvre le rideau et jette un œil au-dehors… ben ça s’annonce mal ! Il ne pleut pas mais le sol est encore humide d’une averse récente et le ciel est bien gris… je soupire et un peu las, me prépare et descends au restaurant de l’hôtel pour y prendre mon petit-déjeuner.

Encore un ciel bien sombre au petit matin à Roveredo…

Salutation générale à l’ensemble des participants puis comme chaque matin, je m’attelle à avaler tout ce que j’aime : tartines au miel, à la confiture, à la nutella, croissants le tout accompagné de 2 verres de jus d’orange et d’un café ! Il faut faire le plein de calories pour cette seconde étape…

Petit-déjeuner bien copieux !

Après le petit-déjeuner, je remonte à ma chambre pour finir de me préparer. Avec le peu de chauffage qu’il y avait, les vêtements humides ont quand même eu le temps de sécher… sauf mes chaussures ! Je prends une paire de chaussettes propres et m’aperçois qu’elles sont… humides aussi ! Horreur, je constate que la poche de mon sac où je les avais stockées était bien mouillée… j’en déduis vite que mon sac a dû prendre l’eau hier pendant le transfert bien qu’il soit à l’abri dans la remorque. Mais lorsque Stéphan le guide a dû stocker un peu dans l’urgence les vélos « tout plein de flotte » des participants qui avaient abandonné à mi-parcours lors de l’étape de la veille, les bagages ont pris leur ration d’eau. Le mien n’étant pas hermétique (c’est un gros sac de sport), il a pris cher…

Bon, j’enfile le tout, ce n’est pas très agréable mais je me dis que s’il ne pleut pas, ça finira par sécher en roulant ou que s’il pleut au pire, ça ne changera pas grand-chose !

C’est dans cette pensée un peu morose que je quitte ma chambre pour récupérer mon vélo. Pour ne pas trop être déprimé, je n’avais pas regardé le temps à travers la fenêtre de ma chambre… et en sortant de l’hôtel, une bonne surprise m’attendait : un joli ciel bleu avait fait son apparition !

Ha oui, là c’est mieux ! (© Stéphan Letartre)

D’un coup, je me sens revigoré, le moral est à nouveau au beau fixe ! Je peux désormais me concentrer plus sereinement sur l’étape du jour.

Elle est assez longue avec 125 km et le D+ à avaler est assez gargantuesque avec près de 2850 m. De Roveredo à Göschenen, le parcours est situé à cheval sur les Cantons du Tessin et des Grisons et nous fera franchir 2 cols : le Passo del Lucomagno – 1917 m et l’Oberalppass – 2044 m. Le profil général de l’étape est que nous aurons une mise en jambes tranquille de 28 km mais il faudra gérer cette fois-ci 2 longues ascensions de 20 km au lieu d’une longue et d’une courte comme l’étape de la veille.

Et surtout, il faut espérer que la météo nous soit favorable car même si le temps est au beau fixe au départ, il est annoncé une dégradation à partir du début de l’après-midi…

Une mise en jambes tranquille

Après que tout le monde se soit préparé, effectué une petite vérification des vélos et lubrifié les chaînes qui ont pris cher la veille, départ groupé à 8h45.

Petit briefing de Stéphan avant le départ.
Tous prêts pour une nouvelle étape…

On quitte rapidement Roveredo pour emprunter la Valle Mesolcina. On est dans le Canton du Tessin et on y parle l’italien. En direction de Castione situé au Nord de Bellinzona et distant de 7 km, on aura aucun effort à réaliser car c’est légèrement descendant tout en longeant la rivière Moesa (qui prend sa source près du village de San Bernardino – par lequel je suis passé hier – puis qui se jette dans le Tessin). Mais ça file vite pour l’ensemble du groupe, je lâche aussitôt l’allure… heu on a 125 km et 2850 m de D+ au programme, faudrait peut-être gérer peut-être !

Et puis comme il fait enfin beau, j’ai des photos à prendre et à rattraper même vu qu’hier c’était la disette !

À la sortie de Roveredo, un coup d’œil à droite sur les montagnes que je n’ai pas vues hier…
On prend à gauche direction Castione…
On redescend la Valle Mesolcina en longeant la rivière Moesa. Ça file vite devant !
La Torre Palas, construite sur 2 énormes rochers, elle est le dernier vestige d’un château situé à San Vittore.
Lumino, on aperçoit la fin de la Valle Mesolcina.
On peut apercevoir l’un des principaux sommets qui dominent Bellinzona.

J’arrive seul à Castione mais rejoins finalement le groupe qui s’était arrêté pour s’orienter. On prend à droite pour emprunter une nouvelle vallée, celle de la Riviera. Elle est très large et en son milieu coule le Tessin, rivière qui a donné son nom au canton homonyme. Longue de 280 km, elle se jettera dans le lac Majeur en Italie.

Je suis à nouveau le groupe mais tout le monde a des fourmis dans les mollets. Moi pas, je lâche à nouveau, soucieux de ma gestion de l’étape et voulant aussi profiter des paysages sympas proposés par la Vallée de la Riviera. Cette dernière est tapissée de vastes prairies verdoyantes et est bordée par des sommets culminants à plus de 2000 m.

Regroupement à Castione.
Une courte vidéo de Batsirai Matanhire résumant le début de l’étape.

Après Castione et en direction de Biasca, l’itinéraire me fait franchir le Tessin et me retrouver du côté ensoleillé de la vallée. Quel plaisir de sentir la chaleur et rouler enfin en manche courte après la journée d’hier. Profitant aussi de cette aubaine, mes chaussures humides finissent de sécher rapidement ! De plus, il n’y a aucun effort à faire car c’est tout plat. Ma trace installée sur mon compteur Garmin me guide même durant 2 kilomètres sur une sorte de Voie verte en plein milieu de la vallée où je peux déambuler tranquillement. Pour l’instant, tout va bien et c’est le pied !

Après avoir traversé le Tessin, un aperçu de la Vallée de la Riviera.
2 sommets dominent le fond de la Vallée de la Riviera.
Juste à la sortie de Lodrino, la route passe à côté d’une carrière où est extrait du granite.
Tranquille sur la Voie verte au milieu de la vallée… la suite de l’itinéraire est situé à droite.

J’en termine avec la Vallée de la Riviera. L’imposant Matro marque l’entrée de 2 nouvelles vallées : à gauche, c’est la Valle Laventina qui par en direction d’Airolo, à droite, c’est la Valle di Blenio. C’est cette dernière que je vais remonter. Je bifurque donc à droite pour rejoindre immédiatement Biasca, un gros bourg.

J’en termine avec la Vallée de la Riviera au pied de l’imposant Matro.
Biasca marque l’entrée de la Valle di Blenio.

En traversant Biasca, j’en profite pour débusquer une banque et y retirer un billet de 20 francs suisse qui va me permettre de payer quelques consommations au tarif local. En y ajoutant le taux de change, il m’en coûtera environ 22,50 euros. Notre monnaie européenne ne fait pas trop le poids face au franc suisse, mais c’est beaucoup mieux qu’à l’époque du franc « français » où il fallait débourser environ 4 francs français pour obtenir 1 franc suisse !

Un beau billet de banque avec lequel je ne vais pas acheter grand chose…

C’est aussi à cette occasion que j’abandonne l’idée de prendre une carte SIM pour mon smartphone. Il faut savoir que mon forfait B&YOU de chez Bouygues Telecom ne fonctionnait pas pour la Suisse (en Italie, il n’y avait pas de problème). Il existe bien sûr des forfaits qui prennent en compte la Suisse mais ils sont plus chers et je n’allais pas changer mon forfait pour seulement 7 jours. Après m’être renseigné en agence, il n’existait pas non plus de carte prépayée pour la Suisse. Je tiens à rappeler qu’on est en 2024, que la téléphonie et son réseau sont développés à un niveau extravagant… et bien, rien n’est encore simple !!! Bref, la seule solution technique était d’acheter une carte SIM sur place. Une bonne dizaine d’opérateurs locaux en propose pour environ 10 francs suisses avec un forfait téléphonie + sms + internet en illimité pour un séjour d’une semaine. Mais j’avais 2 contraintes :

  • prendre du temps pour en trouver une dans une boutique, ce que je n’avais pas franchement pas trop avec cette longue étape avec quand même des contraintes horaires,
  • le fait de prendre une autre carte SIM me faisait perdre mon numéro de base, donc une liaison directe avec mes proches et mes réseaux sociaux, pas pratique du tout !

Tant pis, je m’en passerais. Mes itinéraires ont été préchargés sur mon smartphone et mon compteur Garmin, donc pas de soucis de ce côté-là. J’utiliserais le Wifi des hôtels le soir pour donner des nouvelles. Et si j’ai vraiment une urgence, je réactiverai temporairement les données mobiles du téléphone et paierais les dépassements du forfait. En faisant attention, ces derniers ne devraient pas dépasser le montant d’une carte SIM.

Par contre, j’avais une contrainte principale par rapport à cette décision, impossible d’avoir les renseignements donnés en direct par Stéphan, notre guide – via un groupe WhatsApp créé spécialement pour le voyage – sur les lieux de pique-nique ou de ravitaillement ! Je comptais donc seulement sur le fait que Stéphan donnait une position approximative des lieus au briefing du matin, à moi de pouvoir le repérer aux endroits indiqués… ça avait marché la veille mais bon, ça c’est souvent passé autrement !

De Biasca à Olivone


Je reprends ma route, ayant fait 27 km depuis Roveredo, il reste encore du chemin ! Après Biasca, les premières difficultés vont apparaître. En préparant mon voyage, j’avais réalisé le profil du Passo del Lucomagno en me basant sur le point de départ « officiel » à Olivone distant de 22 km par rapport à Biasca. Et bien, j’ai découvert qu’on y transpire déjà pas mal avant de rallier Olivone ! Je vous fais découvrir le profil ci-dessous qui n’a pas l’air trop effrayant mais la succession de petites et grosses bosses ajoute tout de même près de 600 m de D+ qu’il faudra ajouter au 1080 du Passo de Lucomagno !

À la sortie Biasca, un panneau annonce que le Passo del Lucomagno est ouvert, il me faudra près de 40 km pour l’atteindre. Je pénètre aussi à cette occasion dans la Valle di Blenio. Cette dernière a pris le nom d’une commune composée d’un ensemble de villages (Aquila, Campo, Ghirone, Olivone, Dangio et Torre) bien que la rivière du Brenno coule tout au long de la vallée.

Je commence à grimper une petite rampe mais ça se calme aussitôt. Durant près de 13 km, dans une vallée pour l’instant assez ouverte et en traversant les villages de Malvaglia, Motto, Dongio, Roccabella et Acquarossa, je vais enchaîner une série de faux plats montants et légères rampes. C’est très roulant mais je ne m’emballe pas car je suis toujours dans la gestion de l’étape ! Et pas de problème avec la circulation, la route est assez large pour que les véhicules (un peu de camions) puissent me dépasser sans difficulté.

Le Passo del Lucomagno est ouvert mais il me faudra près de 40 km pour l’atteindre…
Je pénètre dans la Valle di Blenio.
L’église paroissiale San Martino de Mavaglia.
La vallée est large et on peut profiter du soleil !
Près de malvaglia, on peut apercevoir les ruines du Castello di Serravalle.
Quelques bandes cyclables sur une très belle route dans les portions en montées.
Le Pizzo Molare, l’un des sommets marquants de la Valle di Blenio.
Plus loin devant moi, le reste du groupe roule bon train (© Georges Khouri).

Entre Acquarossa et Torre, il y a 3,5 km où les difficultés vont s’accentuer. Me voilà sur des pentes qui vont osciller entre 6 et 8%. La route n’offre aucun lacet et il faut être patient pour progresser sur de longs bouts droits. Heureusement, le sommet tout en pointe du Sosto (2221 m) ou la masse imposante de la Cima di Töira (2097 m) qui gardent l’endroit où la Valle di Blenio va bifurquer vers l’Ouest, me permettent de m’occuper à les admirer. Mais je peux aussi m’apercevoir que beaucoup de nuages s’accumulent dans le ciel… pour l’instant, je ne m’en inquiète pas trop car ils sont au-dessus des sommets…

Les difficultés vont s’accentuer à partir d’Acquarossa.
Petit coup d’œil en arrière après Acquarossa (© Tobias Krampulz).
Les sommets marquants de la Valle di Blenio qui va bientôt bifurquer vers la gauche…

Après Torre, il me reste 5,6 km jusqu’à Olivone. C’est un peu plus roulant mais je dois tout de même négocier une belle rampe de 750 m à 7,5% à la sortie d’Aquila. Je croise à cette occasion Stéphan qui a pris la route un peu plus tard dans la matinée pour s’occuper de l’approvisionnement des jours à venir. On discute 5 minutes puis il repart, on se reverra beaucoup plus tard… J’atteins assez rapidement Olivone car c’est très roulant avec une pente qui n’excède pas les 3%.

J’arrive à Aquila. Il y a beaucoup de petits sanctuaires sur le bord de la route.
L’église de San Vittore à Aquila.
Une petite série de lacets après Acquila permet de jeter un coup d’œil vers l’amont de la vallée.
Petite pause avec Stéphan à côté de ce magnifique four à chaux.
J’arrive bientôt à Olivone, c’est très roulant. C’est marrant, les sommets de la Cima de Töira et du Sosto vus plus tôt paraissent moins impressionnants de près. Mais c’est normal, on approche des 900 m d’altitude.
Le Sosto culmine tout de même à 2221 m.
Olivone, la Valle di Blenio va changer de direction, s’orienter plein Ouest et prendre le nom de Valle Santa Maria.

Passo del Lucomagno – 1972 m

À Olivone, je retrouve Esther, Ruth et Mansour qui en terminent avec leur pause. Tobias et Jeremiah sont repartis 5 minutes plus tôt. Les autres, Patricia, Jenni, Peter, George, Agustin et Walter, il y a déjà un bon quart d’heure. Finalement, je suis pas trop mal dans les clous et après avoir géré tranquillement la première partie de Biasca à Olivone, je me sens très bien pour attaquer la seconde partie de Olivone au Passo del Lucomagno (appelé Lukmanierpass dans son versant opposé).

Je repars en compagnie d’Esther, Ruth et Mansour. C’est une nouvelle ascension qui commence et elle va être sacrément longue. Pour atteindre le Passo del Lucomagno à 1972 m d’altitude, c’est près de 20 km de montée qui nous attendent. Le dénivelé n’est pas très conséquent avec 1080 m mais en ajoutant les 607 m déjà avalés précédemment, il sera tout de même à prendre en considération avec un total de 1687 m…

Sur le papier, je ne suis pas trop inquiet : la pente a l’air assez régulière avec de nombreux passages à 6/6,5% et ne dépasse pas les 8%. Et les 5,5 derniers kilomètres avec une déclivité située entre 2 et 4,5% donneront l’occasion de terminer assez tranquillement.

Distance : 19,9 km
D+ : 1080 m
% moyen : 5,5%
% max : 9% sur 210 m

La route va désormais emprunter une nouvelle vallée, celle de Santa Maria. À la sortie de Olivone, elle s’incline assez rapidement sur une grande épingle. Esther mène le train, je la suis un moment mais elle a un coup de pédale plus appuyé que le mien, je lui cède du terrain préférant garder mon rythme. Ruth et Mansour sont un peu plus loin derrière moi.

Dans tous les cas, cette épingle offre une très belle vue sur la Valle di Blenio et ses sommets puis une autre sur Olivone dominé par le Sosto, c’est superbe !

Ruth (avec son beau maillot) ouvre la route vers le Passo del Lucomagno.
Une route large et en très bon état comme la Suisse en a offert tout le long du séjour…
Quelques beaux sommets surplombant la Valle di Blenio.
Le virage de l’épingle après Olivone.
Olivone dominé par le Sosto.

Je prends mon pied mais m’inquiète un peu des nombreux nuages qui s’accumulent au-dessus de ma tête… pour l’instant, il fait encore bon, quelques rayons de soleil arrivent encore à percer… je n’espère qu’une seule chose : c’est qu’il ne se mette pas à pleuvoir…

Ça se couvre…

Durant 5,8 km depuis Olivone, sur une pente tournant souvent autour des 6%, la route s’élève régulièrement pour dépasser les 1000 m d’altitude à Camperio (1221 m). Les sommets apparaissent désormais franchement et le point de vue sur Olivone, déjà tout petit en contrebas de la Valle di Blenio, est magnifique ! À cette occasion, j’ai rattrapé et dépassé Jeremiah et Tobias. Ce dernier est un peu à la peine, je l’encourage. Bon, ça m’encourage aussi, pour une fois je ne suis pas à la remorque comme sur la Route des Grandes Alpes ! Ruth et Mansour ne sont pas très loin derrière mais après quelques arrêts photos, me rattrapent par contre Esther a disparu au loin devant.

Olivone, en contrebas… sous de magnifiques sommets comme la Cima Sgiu (2375 m) et la Cima di Pinadee (2486 m).

Après Camperio, la pente s’accentue un peu plus à 6,5% durant 1 km puis l’ascension va offrir son passage le plus difficile : 1,6 km à 7,5/9%. Il y a de beaux lacets pour aider à progresser mais il y a un bout droit à la sortie de ces derniers qui est assez ardu. Heureusement, il y a une très jolie fontaine sur le bord de la route qui invite à faire une petite pause salvatrice ! Ruth poursuit son chemin mais Mansour déguste une eau fraîche et délicieuse en ma compagnie.

Après Camperio, ça se durcit un peu mais la route est toujours aussi belle.
Dans le passage le plus difficile de cette ascension sur une pente à 8/9%…
La très jolie fontaine.

Tobias et Jeremiah nous ont rejoints à cette occasion. Mais j’ai fini ma pause et je repars en compagnie de Mansour. Mais ce dernier, qui n’aime pas les longues lignes droites (il a été gâté sur cette ascension car elle n’offre pas beaucoup de lacets), est un petit peu à la peine et m’invite à aller à mon rythme. Bon, je suis décidément en forme et prends de l’avance.

Comme le précédent passage s’était faufilé dans une espèce de corridor, il n’y avait pas beaucoup de vue mais à la sortie de ce dernier, le paysage se découvre à nouveau à Campra Alpine. Il y a un petit replat de 800 m à 2% pour souffler. En suivant le Brenno qui a pris la forme d’un petit torrent, la Valle Santa Maria offre un magnifique prolongement avec de belles étendues de vertes prairies entrecoupées de beaux bosquets de sapins le tout agrémenté de jolis chalets.

Quelques instants en compagnie de Mansour…
Campra Alpine… un chouette torrent, une verte prairie, de beaux chalets… on est bien en Suisse ! (© Esther)

Par contre, le ciel est désormais bien couvert, le soleil a disparu, l’air est plus frais. J’enfile mon premier coupe-vent. Mon regard se porte sur les nuages bien présents sur les sommets alentour. Ce sont leurs nuances bien sombres qui m’inquiètent fortement… ça ne sent pas bon pour la suite de la journée… la pluie va sûrement venir gâcher le fin de l’étape !

Une longue rampe de 3,4 km sans lacet va remonter la vallée sur une pente à 6,5%. Comme Mansour, je n’aime pas les longues lignes droites mais la déclivité n’est pas excessive et ça me convient bien pour l’instant. De plus, il y a très peu de circulation ce lundi matin, c’est donc très tranquille. Une galerie couverte (270 m) et un paravalanche (150 m) viennent interrompre ce long bout droit. À la sortie du paravalanche, la route passe sur un pont sous laquelle coule une cascade. Puis elle s’engouffre aussitôt dans un tunnel long de 70 m.

Longue ligne droite… avec un tunnel/paravalanche au bout.
Pente tranquille à 6,5%.
En prenant de plus de plus d’altitude, la vue plonge vers la Valle Santa Maria puis la Valle di Brenio tout au fond…
Le paravalanche.
Après le paravalanche, la route traverse un pont pour s’engouffrer dans un tunnel…
Depuis le pont, une des plus belles vues de l’ascension ! (© Tobias Krampulz)
Traversée du tunnel.

À la sortie du tunnel, sur près de 1,9 km, la route continue à grimper régulièrement sur une pente à 6%. Franchement, c’est nickel, faire un col situé à 1900 m d’altitude à ce tarif, eh bien j’achète !

Bon par contre, à près de 1700 m d’altitude, la température est maintenant bien fraîche autour des 11 degrés. On est bien loin des 24 degrés que l’on avait un peu plus tôt ce matin ! La météo se dégrade, je commence même à sentir quelques gouttes… oh non !!!

Je tente de me distraire avec un nouveau décor qui s’est mis en place. C’est un vaste plateau – le Pian Segno – bordé par des sommets situés souvent à près de 2500 m. Mais les nuages gorgés d’humidité gâchent un peu la fête et mes photos par la même occasion !

À la sortie du tunnel, on continue tranquillement sur du 6%…
Le Pian Segno.
Plusieurs fermes d’alpage occupent les lieux.

À Acquacalda, c’est le dernier lieu « habité » avec le Centro Pro Natura Lucomagno, une sorte d’éco-hôtel. C’est aussi à cet endroit que la pente lâche définitivement du lest en passant à moins de 5% et ce, durant 5,5 km jusqu’au sommet.

Il fait de plus en plus froid, on est passé de 11 à 8 degrés… j’enfile mon second coupe-vent. Il y a encore des gouttes mais ça n’a pas encore tourné à la vraie pluie. Je prie pour que ça reste comme cela…

Je continue à prendre des photos mais les nuages recouvrent tous les sommets alentour. Le seul point positif est que je progresse tranquillement dans ce final qui n’offre aucune difficulté malgré le vent qui s’est levé…

Acquacalda, dernier lieu habité avant le sommet.
Quand on voyage à vélo, on y fait parfois des rencontres étonnantes…
Avec les salutations et le sourire !
Les nuages masquent beaucoup de sommets… dommage, le paysage serait encore plus chouette.
Encore un petit tunnel (100 m).
Pas le temps de faire du tourisme, mais la tâche claire au milieu de la photo est le lieu où est situé la source du Brenno.
Sur ma droite, j’aperçois quand même le Pizzo del Corvo, un 3000 m…

C’est dans une ambiance un peu surréaliste que j’atteins l’Hospezi Santa Maria qui est devenu un restaurant-refuge nommé localement Ospizio del Lucomagno. Je fais rapidement une photo souvenir avec le panneau qui n’affiche ni le nom du col, ni la bonne altitude avec 1920 m… c’est que je ne suis pas tout à fait au sommet ! Je vais l’expliquer juste après mais avant cela, comme la veille, je vais prendre le soin de bien me couvrir pour la descente.

Malgré le bâtiment assez imposant, il n’y a aucun abri pour me changer tranquillement. Comme hier, je me trouve un coin pour être à l’abri du vent qui est devenu polaire. Après avoir enfilé jambières, manchettes, bonnet et buffle d’hiver et gants longs, je suis prêt pour la suite. Je ne savais pas encore qu’elle allait être terrible…

Je jette un rapide coup d’œil sur les alentours mais les nuages sont bien présents et m’empêchent de profiter de la vue sur le lac appelé Lai da Sontga Maria lui aussi alimenté par un barrage que je ne verrais pas car il se trouve au Nord. Il y a une chapelle de style moderne située non loin du restaurant-refuge. Quel dommage de ne pas encore pouvoir profiter des lieux…

J’attaque les derniers hectomètres…
J’aperçois l’Ospizio del Lucomagno…
L’Ospizio del Lucomagno.
La chapelle Santa Maria près de l’Ospizio del Lucomagno.

Voici le lieu par beau temps…

Comme je l’expliquais un peu plus haut, je n’en ai pas tout à fait terminé avec l’ascension du Passo del Lucomagno. En effet, il me reste encore… 1,3 km pour atteindre le sommet qui a la particularité d’être situé dans une… galerie couverte ! Et qui plus est, ce dernier mesure près de 2 km tout en longeant le lac Lai da Sontga Maria (dont je n’aurais aucune vue car les ouvertures de la galerie étaient bouchées par des vitres au verre épais). Je vais aussi traverser à cette occasion la frontière entre les Cantons du Tessin et des Grisons. C’est un retour dans ce dernier après un passage lors de ma première étape.

Je repars en même temps que Tobias et Jeremiah qui m’avaient juste rejoint à cet instant. On ne traîne pas, il commence à bien pleuvoir. En dernière position, il reste encore Mansour qui n’est pas encore arrivé à l’Ospizio del Lucomagno mais il fait malheureusement trop froid pour l’attendre… On s’engouffre dans la galerie qui va nous offrir la possibilité de nous abriter. Mais c’est un vrai frigo… ce n’est pas terrible du tout, il faut aussi être concentré car le moindre véhicule à moteur fait un bruit du tonnerre assez effrayant qui donne l’impression qu’il va nous rouler dessus… Heureusement, on termine l’ascension du Passo del Lucomagno sur une pente à 4/4,5%. Le col est franchi anonymement (pas de panneau) à 1972 m d’altitude. La descente du versant opposé est bien sûr amorcée dans la galerie.

À la sortie de cette dernière, c’est l’enfer qui nous accueille !

Le lac appelé Lai da Sontga Maria et l’entrée de la galerie couverte.

Le Passo del Lucomagno se trouve à 1972 m d’altitude dans une… galerie !

Descente vers Disentis

À la sortie de la galerie, je stoppe pour analyser la situation… elle est dantesque ! Tobias Jeremiah ayant continué sur leur élan, je me retrouve seul dans… les nuages. On n’y voit presque rien ! Et une pluie glaciale tombe à verse… petit moment de panique… sachant que c’est une looooongue descente de 18 km qui m’attend !

C’est pire qu’hier… mais je n’ai pas le choix, il faut y aller sinon je vais mourir congelé sur place ! Il fait près de 6 degrés mais avec le vent, le ressenti est plutôt proche des 2 degrés. Mes 2 coupe-vent que j’ai mis par-dessus mon maillot à manches courtes ne suffisent pas à me protéger du froid. Il faut absolument perdre de l’altitude… je repars mais la descente va être très longue car je dois maîtriser ma vitesse au maximum pour garantir ma sécurité et aussi ne pas avoir encore plus froid. De plus, comme je n’avais que mes lunettes d’été et que je ne voyais rien à cause des nuages, j’ai été obligé de les enlever et d’éviter tant bien que mal les gouttes de pluie qui me piquaient les yeux…

Bref, c’est LA GALÈRE TOTALE !!!

Je fais la descente en mettant mon cerveau en OFF. Je croise Tobias, Jeremiah et… Ruth qui se sont abrités temporairement dans un petit tunnel. Je ne m’arrête pas car je sais que j’aurais un mal fou à repartir mais j’ai le temps de m’apercevoir que Ruth grelottait très fort !

Durant la descente, j’entraperçois le paysage qui, une fois de plus, doit être magnifique par beau temps… je peste assez fort contre ce mauvais temps qui commence à bien gâcher le voyage ! Et j’en ai bien raté des choses… par exemple, à la toute fin de la descente, eh bien j’ai traversé sans le remarquer… le Rhin ! Prenant sa source non loin de là, près de l’Oberalpass (prévu au programme de la journée), c’est tout de même l’un des plus grands fleuves de l’Europe centrale avec ses 1233 km ! Avec le Rhône, la Suisse est un bon pourvoyeur de fleuves !

Une photo volée par Peter dans la descente… (© Peter Bevan).

Je sais que la descente doit se terminer à Disentis mais j’avais oublié un petit détail : il y a une petite remontée juste avant. Et bien pour une fois, je ne suis pas mécontent de faire cet effort supplémentaire… durant 1250 m à 5%, je vais pouvoir me réchauffer un peu !

Je me laisse glisser ensuite vers Disentis. Ça a l’air chouette avec une imposante bâtisse d’une blancheur immaculée qui domine le bourg et qui s’avère être une abbaye. Situé à environ 1100 m d’altitude, le village a aussi la particularité d’avoir une double appellation : Disentis en allemand et Mustér en romanche, rappelant que le Canton des Grisons cultivent plusieurs langues… le village aurait pu avoir aussi un nom en italien ! Les doigts à moitié gelés, je sors tant bien que mal mon appareil photo de sa pochette mais avec la pluie, je rate complètement le cliché…

Ma photo ratée de Disentis !

La même vue avec le beau temps !

J’arrive au centre de Disentis. Ma préoccupation première est de trouver où Stéphan a installé le lieu de pique-nique… vu la pluie qui tombe à verse, il a dû sûrement trouver un endroit abrité. Mais je me retrouve à commencer à grimper les premiers mètres de l’Oberalpass, la seconde ascension de la journée. J’ai tellement froid que je pense un instant à enchaîner pour me réchauffer… mais avec les bidons quasiment vides et juste un duo pâte de fruits / barre de céréales, c’était la fringale assurée !

Je réactive mon smartphone (il était éteint, voir mes explications plus haut) pour avoir des précisions sur l’endroit du pique-nique… au bout de quelques instants, je peux voir qu’il se trouve à… la gare de Disentis. Nickel, elle n’est qu’à 100 m de ma position et je la rejoins rapidement.

Je retrouve tous les participants à l’abri d’une passerelle de déchargement située derrière la gare. Finalement, pendant le temps que j’ai tergiversé à trouver le lieu de pique-nique, Ruth, Tobias, Jeremiah et Mansour sont arrivés à bon port. Après cette descente très éprouvante du Passo del Lucomagno, tout le monde est sauf !

Je fais un check du bonhomme : je suis trempé des pieds à la tête et surtout, contrairement à hier, j’ai très froid. J’attrape une couverture et m’en couvre rapidement. Je reprends peu à peu mes esprits… il pleut toujours, quelle galère… je commence à me poser 1000 questions sur comment enchaîner l’ascension suivante : l’Oberalpass, ses 20 km de montées pour atteindre les 2044 m d’altitude… autant vous dire que je n’avais pas de réponse.

J’en trouve une peu après : je regarde Esther, je vois qu’elle est habillée en civil ! Sur le coup, je pense qu’elle a mis des vêtements chauds le temps de la pause pique-nique… voyant mon étonnement, elle m’explique rapidement qu’elle a abandonné et qu’elle va rejoindre le point d’arrivée (Göschenen) en train ! Étant résidente suisse, Esther connaissait très bien le fonctionnement et la disponibilité des trains suisses.

Mais surtout j’apprends dans la foulée que tous les participants ont pris la décision d’abandonner !!! Sauf Batsirai qui sera allé courageusement jusqu’au bout mais il aura pris cher et il ne sera plus tout à fait le même pour la suite du séjour…

Pour ma part, c’est vite décidé, j’abandonne aussi ! Avec la pluie et le froid, je ne vois aucun plaisir à continuer. Comme hier, j’étais sûr que les nuages recouvraient tout le paysage et donc qu’il n’y aurait rien à voir. La montée ne m’aurait pas fait peur du tout mais c’était la descente que je redoutais beaucoup ! Mais ce n’est pas de gaieté de cœur que je lâche l’affaire, j’étais frustré comme pas possible parce que je ne me sentais pas du tout fatigué…

Oberalppass annulé et transfert vers Göschenen

J’informe Stéphan que j’abandonne aussi mais dans l’agitation du moment (il fallait mettre 11 vélos dans la remorque…) l’information n’est pas bien transmise (voir plus bas)… il faut dire que l’organisation était particulière. Comme le camion n’avait que 7 places, il n’était pas possible de prendre tout le monde !

Mais nous étions dans une gare et j’ai appris par la suite que la Suisse offrait l’un des plus beaux réseaux ferroviaires d’Europe capable de franchir les… montagnes. À partir de Disentis, Esther, Ruth, Tobias, Jeremiah et Peter vont emprunter le Glacier Express. Pour environ 10 francs suisse, le train va suivre un spectaculaire tracé qui va grimper jusqu’à l’Oberalpass à plus de 2000 m d’altitude puis redescendre à Andermatt (1400 m) puis Göschenen (1100 m). En France, il n’y a aucun train qui grimpe aussi haut et de façon aussi montagnarde ! Oui, il y a le petit train d’Artouste dans les Pyrénées qui grimpe jusqu’à 1900 m mais ce n’est qu’un train touristique… là on parle d’une ligne régulière qui traverse la moitié de la Suisse !

Pour ma part, n’ayant pas eu le temps de m’organiser pour choisir l’un des moyens de retour (le train aurait été sympa), je vais rentrer avec le camion en compagnie de Patricia, Jenni, Mansour, Georges, Agustin et Walter. Comme j’avais vu que tout le monde s’était changé dans les toilettes de la gare, je fais de même afin de mettre des vêtements secs pour ne pas attraper froid lors du transfert. Je suis le dernier et ça me prend un peu de temps, les toilettes n’étant pas bien grandes.

Je reviens au camion d’assistance (les voyageurs en trains étaient partis entre-temps) et là, il y a une incompréhension avec Stéphan qui n’avait pas bien compris que j’avais aussi abandonné. Il avait tout chargé sauf mon vélo. Petit moment d’agacement… qui m’aurait fait repartir sur… le vélo ! Dépité et énervé, je m’apprêtais à retourner aux toilettes de la gare pour me changer à nouveau. Mais Georges (que je remercie) qui avait bien compris un peu plus tôt (voir plus haut) mon désir d’abandon, réexplique à Stéphan ma situation et s’occupe avec lui de trouver une place à mon vélo dans la remorque ! Ouf, tout s’arrange mais c’était un signe bien annonciateur que les choses n’allaient pas se dérouler comme prévu pour la suite du voyage…

Je m’installe à l’arrière du camion. Avec l’humidité et avec la météo misérable à l’extérieur, les vitres sont couvertes de buées, du coup le transfert n’est pas terrible du tout car je ne vois rien dans la montée de l’Oberalppass. Dans le premier quart de la montée, on rattrape Batsirai, bien courageux… il a dû se dire qu’il n’avait pas fait 7000 km depuis le Canada pour rien ! Quand on regarde le profil ci-dessous, c’était une sacrée ascension au programme…

Distance : 20,7 km
D+ : 914 m
% moyen : 4,5%
% max : 8% sur 1380 m et 730 m

L’ascension est encore une fois très longue avec près de 21 km. Le dénivelé est assez conséquent avec 914 m. Sur le papier, ça a l’air assez abordable avec ses 4,5% de moyenne et sa première partie de près de 13 km qui a l’air assez facile… mais son final de 8 km à 7% de moyenne qui est assez ardu et avec le Passo del Lucomagno en premier rideau, il est clair qu’il aurait pu peser dans les jambes…

Plus tard, on franchit l’Oberalppass sans s’arrêter tellement il faisait mauvais. J’ai une pensée pour Batsirai… il est arrivé bien tard à Göschenen et nous a avoué qu’il avait beaucoup souffert du froid et de la fatigue dans la descente. Une descente qui s’est déroulée en 2 temps : une première de 10,6 km jusqu’à Andermatt puis une seconde de 5 km jusqu’à Göschenen. Sur ces 2 descentes, avec la pluie, il lui a fallu négocier une forte pente sur de nombreux lacets traversés par des galeries.

Nous arrivons à Göschenen à 16h45. L’ambiance est assez morose avec la pluie qui est toujours présente… il est temps de soigner le moral et de se mettre au chaud en prenant possession de notre chambre dans notre bel hôtel : le Weisses Rössli. Je précise que ce sera pour 2 nuits car il est prévu pour demain une boucle, j’y reviendrais dans mon récit pour l’étape 3.

Me voilà à Göschenen… bien déçu de cette journée qui avait pourtant bien commencé !

Le bel hôtel Weisses Rössli à Göschenen par beau temps…

Le très joli village de Göschenen vu depuis la gare (© Tobias Krampulz).

On remise rapidement les vélos dans un garage. Je suis au second étage. Cool, il y a un ascenseur. La chambre est simple mais confortable. Et surtout, il y a du chauffage avec 2 radiateurs… je vais enfin pouvoir faire sécher correctement toutes mes affaires !

Bon, c’était à double tranchant… parce qu’en augmentant la température des radiateurs, he bien j’ai eu super chaud la nuit ! Le comble est qu’il a fallu que j’ouvre une fenêtre en pleine nuit pour ne pas suffoquer ! J’aurais pu les baisser mais il fallait absolument que tous mes vêtements et surtout les chaussures soient bien secs pour le lendemain. Ben, je ne pensais pas en arriver là un 9 septembre…

Comme on est arrivé « tôt », je peux commencer une bonne récupération et faire un point sur la journée : 88 km / 5h30 de selle (+ 45 minutes de pauses diverses) / 1839 m de D+. Il a manqué 37 km et environ 1000 m de D+… j’ai beaucoup apprécié le Passo del Lucomagno mais cette étape qui n’est pas allée au bout me laisse un goût d’inachevé… et, je ne le savais pas encore, les désillusions allaient être nombreuses… à commencer par demain car la météo ne s’annoncait pas bien du tout pour l’étape reine de ce voyage : une boucle de 116 km avec 3500 m de D+ en passant par le Passo del San Gottardo (2107 m), le Nufenenpass (2478 m) et le Furkapass (2429 m) !!!

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