Mardi 10 septembre 2024 – Göschenen – Suisse
Lever 7h… j’ouvre les yeux, ma première pensée est de savoir si le temps est convenable après l’étape de la veille où il a fallu abandonner à mi-journée à cause de la pluie. Cette satanée pluie qui a déjà gâché la première étape. Et on n’en a vraiment pas besoin pour cette journée qui propose au menu un parcours hors norme : une boucle de 116 km et 3500 m de D+ avec les ascensions des Passo del San Gottardo (2107 m), du Nufenenpass (2478 m) et du Furkapass (2429 m) !!!
J’ouvre le rideau… tous mes espoirs d’une journée fabuleuse s’envolent en un instant : Göschenen est noyé dans les nuages et la pluie ! Le moral au plus bas, je descends au rez-de-chaussée pour le petit-déjeuner. Tout le monde consulte les applications météo… il n’y a pas d’éclaircies annoncées avant midi… l’étape dans son intégralité est annulée !
Nous ne pouvons profiter que d’un seul avantage : comme nous logeons à Göschenen pour 2 nuits, nous pouvons tout de même attendre une accalmie. Après le petit-déjeuner, je retourne à ma chambre pour me préparer mais sans conviction… je suis bien déçu de ne pas pouvoir réaliser cette incroyable trilogie… je n’aurais pas beaucoup d’autres occasions pour la refaire un jour !
Durant toute la matinée, en attendant de pouvoir débuter une quelconque sortie, je tourne comme un lion en cage, regarde toutes les 5 minutes par la fenêtre pour voir si le mauvais temps se calme… L’application MeteoSwiss, très précise, laisse entrevoir une amélioration à partir de midi seulement… Je commence à me préparer mentalement pour une éventuelle sortie : depuis Göschenen, je dois au moins rejoindre Andermatt puis grimper au choix le Gotthardpass, le Furkapass ou bien l’Oberalppass. Je choisis sans hésiter le Gotthardpass, une ascension mythique… peut-être que j’ajouterais une seconde ascension de l’Oberalppass mais vu la météo, c’est une option incertaine…
Vers 11h45, la pluie s’arrête enfin. MeteoSwiss annonce une véritable amélioration. Allez, faut y aller et profiter de la fenêtre météo. Je lance une annonce sur le WhatsApp du groupe… pas de réponse, c’est bizarre, chacun semble se terrer dans sa chambre sans savoir se décider quoi faire… d’autres se seront promenés à Altdorf… au final, chacun organisera sa journée à sa façon :
- Batsirai partira vers 12h30 faire l’ascension du Furkapass ;
- Georges, Peter et Jeremiah partiront vers 13h50 faire l’ascension du Passo del San Gottardo ;
- Esther, Ruth et Mansour puis Jenni, Walter et Agustin feront dans l’après-midi l’ascension du Göscheneralpsee ;
- Patricia et Tobbias (malade) auront choisi le repos.
Je me prépare à nouveau et veille à bien me couvrir car il fait bien froid. Je prends de quoi me nourrir un peu (barres céréales, pâtes de fruits) pour éviter une éventuelle fringale car il est déjà midi et le petit-déjeuner est déjà loin. Avec ce départ tardif, tout est décalé, je verrais pour manger plus tard, priorité à la sortie pour faire quelque chose de cette journée !
De Göschenen à Andermatt
À 12h15, c’est parti. Les nuages sont très présents et recouvrent les sommets mais la pluie a bien cessé. En quittant le beau village de Göschenen (qui se trouve dans le Canton d’Uri), je dois me concentrer rapidement pour faire une première ascension jusqu’à Andermatt.
Avant de commencer la véritable ascension du Gotthardpass, c’est une grosse mise en jambes qui m’attend… ce n’est pas très long avec 4,8 km mais c’est sacrément raide comme vous pouvez le voir avec le profil ci-dessous.

J’en avais vu un petit aperçu la veille lors du transfert en camion. J’avais remarqué que c’était spectaculaire, la route se faufilant dans un étroit défilé appelé Schöllenen et traversant de nombreuses galeries… je n’allais pas être déçu !
Je commence tranquillement avec environ 950 m à 4% en quittant d’abord Göschenen. Malgré les nuages qui masquent les alentours, je ne manque pas de voir que ce village est très joli… ça sent bon la Suisse comme je pourrais m’en rendre vraiment compte l’après-midi…
Avant de continuer, je voudrais vous faire part des incroyables particularités liées à ce lieu qui font que les Suisses sont des maîtres en matière d’infrastructures pour faciliter la circulation dans ce pays très montagneux… à Göschenen, il faut savoir que :
- l’autoroute A2 s’engouffre dans le Tunnel routier du Saint-Gothard. Avec ses 16,9 kilomètres, il est le deuxième plus long tunnel routier d’Europe et le cinquième du monde. Un second tube est en construction et sera mis en service en 2029 ;
- le train de grandes lignes s’engouffre dans le Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard. D’une longueur de 15 km, il relie Göschenen au Nord, dans le canton d’Uri à Airolo au Sud dans le canton du Tessin ;
- la Schöllenenbahn est une courte ligne de 3770 m, à voie unique et à crémaillère. Elle relie Göschenen à Andermatt en empruntant le défilé du Schöllenen. Elle présente une pente maximale de 179 ‰ tout en franchissant de nombreux ouvrages d’art (5 tunnels, pour une longueur de 1022 m, 5 galeries de protection, pour une longueur de 1110 m et 4 ponts, pour une longueur totale de 260 m). De nos jours, la Schöllenenbahn transporte environ 400 000 passagers par an ;
- la route n°2 grimpe à Andermatt à l’aide 8 lacets et passe sous 5 galeries (2 km de longueur au total) ;
- et enfin, une voie verte a été construite à la fois le long de la route n°2 en passant la plupart du temps au-dessus des galeries (!) et à l’aplomb de la Reuss. Je vais bien entendu emprunter cette dernière et autant vous dire qu’elle sera spectaculaire !
J’ajouterais que cette région de la Suisse comporte d’autres ouvrages qui frisent le gigantisme :
- le Tunnel de base du Saint-Gothard est un tunnel ferroviaire bitube passant sous le massif du Saint-Gothard. Mesurant 57,1 km, il est en 2020 le plus long tunnel du monde. Il relie Erstfeld dans le canton d’Uri à Bodio dans le canton du Tessin ;
- le Glacier Express, qui fait escale à Andermatt, propose un voyage depuis Zermatt (canton du Valais) en effectuant un parcours de 291 km en franchissant 291 ponts et 91 tunnels, tel que le tunnel de la Furka de 15,35 km de long, franchit l’Oberalppass à 2 033 m d’altitude (!), pour finir à Chur (canton des Grisons). Depuis Chur, le voyage peut être prolongé à Davos ou Saint-Moritz.
À la sortie de Göschenen, me voilà à l’entrée du défilé du Schöllenen où coule le Reuss. Je rejoins la route n°2. Je peux la voir filer vers le fond du défilé puis s’élever à flanc de montagne en passant dans les galeries. La vue est saisissante malgré les nuages. À ma droite, la Schöllenenbahn s’engouffre dans un tunnel, je la reverrai plus haut à Andermatt dans un lieu spectaculaire…
Avant d’emprunter la voie verte, je dois suivre la route n°2 sur 1,3 km à 8%. Il y a une belle bande cyclable qui permet de rouler en sécurité. Je passe sous la première galerie appelée Heuegggalerie. Elle mesure 300 m. Par contre, comme les Suisses font tout à la perfection, ils ont prévu pour les vélos, une voie séparée de la route… nickel !

Dans un lacet peu après la Heuegggalerie, j’emprunte la voie verte. Ouch, c’est dur sur une quarantaine de mètres car la voie d’accès est très raide. Je me retrouve aussitôt sur… le toit de la seconde galerie. Ça fait drôle et c’est vraiment top aussi de se retrouver en totale sécurité. Par contre, la voie verte, bien qu’elle soit nickel au niveau du revêtement, n’est pas très large. Je me note qu’au retour, je prendrais assurément la route.
Sur les 1850 mètres suivants, je vais évoluer sur une pente tournant souvent autour des 9%. J’aurais encore droit à 2 ou 3 autres petites portions bien raides. Et ben, ça aurait été un sacré échauffement si on avait la boucle complète ! Dans tous les cas, je profite du spectacle avec la Reuss qui, coulant en un petit flot rapide, creuse peu à peu le défilé pour créer des gorges aux parois de plus en plus resserrées.
La voie verte s’écarte de la route n°2 puis file vers un chemin escarpé le long d’un ravin où coule la Reuss qui fait désormais de sacrés sauts de cabris. Wouah, c’est impressionnant !
J’aperçois un étonnant mémorial creusé dans la roche, c’est celui de Souvorov. Mais que vient faire un truc russe dans ce coin de la Suisse ?! Le monument a été dressé en mémoire des soldats russes morts au combat contre les troupes napoléoniennes lors de leur traversée des Alpes en septembre 1799 sous le commandement du général Alexandre Souvorov. Pour en savoir un peu plus.
La voie verte contourne un escarpement rocheux sur la droite et là… c’est une belle claque qui m’est donnée ! Il y a 2 ponts superposés qui franchissent la Reuss qui coule en cascade. Quel endroit magnifique, mesdames messieurs, je vous présente le Pont du Diable (Teufelsbrücke pour l’appellation locale). La suite en images (même si elles ne rendent pas vraiment justice au spectacle proposé par ce lieu incroyable).
Dans les faits, il y a bien 2 ponts : l’ancien où passe la voie verte et le nouveau qui est emprunté par la route n°2. Il y en a même un troisième un peu plus haut qui sert à la Schöllenenbahn.
Une vue qui permet de voir les 2 Ponts du Diable.


La voie verte prend fin sur le parking du Mémorial de Souvorov. Je fais une petite pause. Une bonne nouvelle me surprend : le ciel se découvre enfin et c’est une belle éclaircie qui m’accueille à l’entrée d’Andermatt. Ben, ça me met de baume au cœur !
Avant de reprendre ma route, j’observe la Schöllenenbahn sortir d’une galerie, traverser la Reuss puis s’engouffrer dans un étroit tunnel creusé directement dans la roche. J’adore sa belle couleur rouge qui contraste avec celle d’aspect minéral qui agrémente le lieu.



Le final vers Andermatt sera facile car je n’ai plus que 700 m sur une pente qui déclinera de 5 à 2,5%. Une nouvelle galerie se présente devant moi. Elle est longue de 330 m mais une voie cyclable est aménagée entre la route n°2 et la voie ferroviaire. Vraiment, tout est parfait en Suisse !
À la sortie de la galerie, me voilà à Andermatt. Le village d’Andermatt est un grand village situé dans la vallée d’Urseren. C’est aussi une grande station de sports d’hiver. À environ 1400 m d’altitude, on espère encore profiter de « l’or blanc », pourtant bien plus rare, car il y a pas mal de travaux immobiliers en cours.
J’aperçois les premiers lacets de l’Oberalppass. C’est encore très nuageux, je ne sais pas si je le grimperais en deuxième rideau… pour l’instant je suis focus sur le Gotthardpass.

Entre Andermatt et Hospental
Entre Andermatt et Hospental, pied du Gotthardpass, je vais évoluer sans difficulté – c’est tout plat – durant 3,5 km dans la Vallée d’Urseren. Cette haute vallée est très large et ressemble presque à un plateau. Située à près de 1450 m d’altitude, c’est un peu impressionnant d’être dominé par les sommets alentours qui frisent les 3000 m d’altitude…
Tout est bien aménagé le long de la Route n°19 : il y a une piste cyclable qui me guidera jusqu’à Hospental. Comme les vaches qui paissent tranquillement dans des prés, je regarde passer le Glacier Express qui se dirige vers le Furkapass (2429 m). Normalement, il passera sous le col par le Tunnel de base de la Furka mais en haute saison, il est encore possible qu’il passe par le sommet (enfin pas tout à fait, il le franchit sous un tunnel et il y a 2 arrêts 300 m plus bas de part et d’autre du col).



J’arrive à Hospental. Il fait partie de l’un des plus beaux villages de Suisse, comme l’annonce une pancarte à son entrée, mais je ne fais pas l’effort d’y faire un petit détour pour y jeter un œil. Je préfère suivre la route qui le contourne et concentrer le temps présent sur l’ascension du Gotthardpass. C’est que les nombreux nuages encore présents ne m’inspirent pas confiance et je préfère en avoir terminé avant que ça ne tourne éventuellement à du mauvais temps…

Gotthardpass – 2107 m
À la sortie d’Hospental, un rond-point me propose 2 directions : à droite, le Furkapass, à gauche, le Gotthardpass… ce sera ce dernier. Même si le Furkapass est aussi attrayant, je n’hésite pas car le Gotthardpass (appelé Passo del San Gottardo par son versant Sud) est l’une des ascensions les plus mythiques de la Suisse et aussi des Alpes ! Elle propose une particularité présente sur les 2 versants que je vous ferais découvrir un peu plus loin…
Paradoxalement, je vais grimper ce « 2000 » par son versant le plus court avec 8,9 km. Bon, pour atteindre le pied de l’ascension, je me suis farci tout de même une belle rampe depuis Göschenen. Mais pour comprendre la géographie des lieux, si on veut grimper le Gotthardpass (2107 m), le Furkapass (2429 m) ou bien l’Oberalpass (2044 m), il faut soit avoir gravi l’un de ces 3 cols ou soit effectuer une très longue montée – 20,5 km – depuis Amsteg au Nord jusqu’à Andermatt (en passant par Göschenen) tout en ajoutant près de 900 m de D+.
Je disais donc que l’ascension n’était pas très longue mais ses 7% de moyenne suggèrent fortement qu’il faudra faire de bons efforts pour atteindre le sommet à 2107 m d’altitude mais je note qu’il y aura un replat de 1,3 km avant le final pour se refaire une petite santé…
Distance : 8,9 km
D+ : 612 m
% moyen : 7%
% max : 9% sur 440 m

L’ascension débute par un premier grand lacet sur la gauche. Il offre une belle vue sur Hospental. La pente passe rapidement de 6 à 8%. Ma première question est de savoir si les jambes répondent toujours bien après la rampe de Göschenen > Andermatt… ben c’est pas mal du tout, ça me rassure et je sais déjà que tout se passera bien jusqu’au sommet.
Les 850 premiers mètres me mènent à un tunnel, du nom de Chämleten. C’est le seul de cette ascension et je n’ai besoin d’aucun éclairage car il n’est long que de 40 m.



À la sortie du tunnel, je débouche sur le Vallon du Gotthardreuss, c’est très chouette. J’ai l’occasion de profiter d’une sacrée perspective sur le tracé de la route qui s’étire sur versant droit du vallon. J’entends aussi les sifflements de marmottes mais je n’arrive pas à voir où elles se trouvent. Durant les 3250 prochains mètres, je vais évoluer sur une voie assez rectiligne sur une pente oscillant entre 5 et 7,5%. La route est large et le revêtement est nickel.
Ça me va très bien pour l’instant car il y a de belles éclaircies qui réchauffent l’atmosphère mais je suis obligé de mettre un coupe-vent car il y a un vent frais qui descend du haut du vallon. Il faut savoir qu’on est à plus de 1500 m d’altitude.
Dans le creux du vallon, j’aperçois une drôle de structure. En m’approchant peu à peu, je distingue que c’est l’un de ces puits d’aération que j’ai déjà vus 2 jours plus tôt dans l’ascension du Passo del San Bernardino. Il sert sûrement au Tunnel routier du Saint-Gothard qui est situé plusieurs centaines de mètres plus bas sous terre…



Je progresse tranquillement et j’arrive au minuscule hameau de Mätteli (alt. 1769 m). Il est situé dans l’un des rares lacets de ce versant. Je vais pendre encore plus de hauteur sur les 1650 prochains mètres car la déclivité passe cette fois-ci à 8/8,5%. Mais comme c’est très régulier et que je suis distrait par le spectacle, je ne ressens pas trop les difficultés.





Peu après, j’arrive à une intersection. Je ne suis pas surpris car dans ma préparation du voyage, j’avais noté que j’avais la possibilité de suivre le tracé de l’ancienne route et je savais que cette dernière allait m’offrir une belle particularité…
À gauche, je laisse la route normale (que j’emprunterais au retour dans la descente), à droite, je file donc sur l’ancienne route… elle est conseillée aux cyclistes, tous les véhicules peuvent l’emprunter sauf ceux de plus de 3,5 tonnes mais autant dire que je vais être tranquille, la majorité de la circulation étant déviée naturellement vers la nouvelle route.
Le début de l’ancienne route – appelée la Strada Vecchia – est goudronné puis laisse soudainement la place à… des pavés ! Voici la belle particularité dont je parlais quelques instants avant. C’est une expérience que j’ai très peu expérimentée (une courte portion dans le Col du Grand Ballon en Alsace) et j’ai hâte de découvrir les sensations…
C’est aussi à cette occasion que je passe du Canton d’Uri à celui du Tessin.
Sur près de 3 km, je vais donc évoluer sur des pavés, mais pas n’importe quels pavés… ce sont des pavés suisses ! Rien à voir avec ceux de Paris-Roubaix car j’ai eu affaire à du vrai travail d’orfèvre fidèle à la tradition suisse : les pavés sont disposés en demi-cercle et soigneusement jointés, je pense que le secret d’une belle routé pavée doit se trouver dans cette disposition. Résultat : je n’ai quasiment pas senti de secousses !




L’ancienne route, sillonnant le long du Gotthardreuss propose un nouveau décor assez étonnant dans un large vallon : sur la gauche, la nouvelle route et sa longue Galleria artificiale Scaglioni (450 m), en face l’échancrure toute proche du Gotthardpass gardée par d’impressionnantes éoliennes mais aussi zébrée par de « méchantes » lignes à haute tension. Sur ce dernier point, on ne peut pas en vouloir aux Suisses car près de 80% de l’électricité du pays sont produits par de nombreux barrages alpins. Sur les hauteurs du Gotthardpass, il y a d’ailleurs 2 lacs (Lago di Luncendro et Lago della Sella) qui alimentent les barrages. Et c’était déjà le cas à chaque col que j’ai franchi depuis le début du voyage.




Sur cette ancienne route pavée, je vais d’abord grimper tranquillement à 4/4,5% durant 1,3 km puis de façon plus ardue à 8/9% durant 1,4 km. L’ambiance est vraiment particulière avec les éclaircies qui jonglent avec les nuages qui passent et défilent à grande allure dans les pales des éoliennes.


Je passe à proximité du Barrage du Lago di Lucendro situé sur ma droite. À son pied, il y a une sorte de bunker. Il n’a pas servi lors de la Seconde Guerre Mondiale puisque comme chacun le sait, le conflit a épargné (étonnamment…) la Suisse, alors « neutre ». J’ai appris par la suite qu’il abrite… un château d’eau. Plus étonnant, il a aussi servi d’hôtel ! Mais ce dernier a fait faillite. Malgré un concept original, il n’a pas dû séduire une large clientèle… bon, il faut dire qu’avec un nom comme « La Claustra », ça n’a pas été très judicieux au niveau de la communication… jugez-en vous-même en cliquant sur ce lien ou cet autre lien.

Je franchis aussi une petite zone de travaux. Une petite équipe d’ouvriers est en train d’opérer une réfection d’une partie de la chaussée en remettant minutieusement en place chaque pavé. Ah quelle patience et surtout quelle belle prise de soin du patrimoine helvétique !

Peu après, j’emprunte le lacet de San Carlo où j’aurais le passage le plus soutenu de cette ascension avec près de 450 m à 9%. À la sortie du lacet, les pavés laissent la place à l’asphalte mais reviendront aussitôt quelques mètres plus loin. Un dernier coup de reins – 450 m à 8,5% – pour passer sous la nouvelle route et il ne me reste plus que 250 m à 6,5% pour atteindre le Gotthardpass à 2107 m d’altitude.







Me voilà donc au Gotthardpass – Col du Saint-Gothard en français (avec un seul « t ») ou Passo del San Gottardo en italien. Je suis bien content de cette ascension et surtout sur le fait que ma journée n’a pas été totalement gâchée. Le paysage n’est pas tout à fait dévoilé car il y a de gros nuages qui masquent les sommets environnants. Mais je vais me consoler un tout petit instant plus tard car je vais continuer un peu encore sur l’ancienne route (qui a retrouvé ses pavés) en contournant le gros rocher qui se trouve à cheval sur le col et découvrir…
…un très joli décor avec le Lago della Piazza et l’Ancien Hospice du Saint-Gothard. Il y a aussi des nouveaux bâtiments comprenant un musée (Le Sasso da Pigna, installé dans un fort d’artillerie de l’armée suisse), un hôtel, un restaurant et une boutique de souvenirs.




Le Sasso da Pigna est un ouvrage qui a été construit durant la seconde guerre mondiale. C’était à l’époque l’un des plus grands de Suisse. Bien que la Suisse fût neutre pendant ce conflit, il fallait éventuellement se protéger d’une éventuelle agression. Moi qui adore ce type de « fort », je n’hésiterais pas à le visiter lorsque j’y reviendrais un jour !
Je fais le tour des lieux tranquillement. Vers l’Ancien Hospice du Saint-Gothard, je peux voir l’arrivée de l’ancienne route du versant opposé. Elle s’appelle la tremola vecchia (qui signifie « vieille tremblante » en italien) et est aussi pavée. Depuis Airolo, c’est la voie la plus célèbre du Gotthardpass. Elle est beaucoup plus longue que celle que j’ai prise auparavant avec 7,7 km et propose un circuit étalé sur de nombreux lacets. On aurait normalement dû l’emprunter lors du parcours initial. Quel dommage d’avoir raté cela !
J’ai appris plus tard que Peter s’était offert un joli plan (mais sans George et Matthias) : il a descendu la tremola vecchia jusqu’à Airolo puis est revenu… en train ! Et oui, rappelez-vous : je détaillais un peu plus haut le formidable réseau ferroviaire suisse et effectivement, il était possible de rallier Göschenen via le train depuis Airolo. Mince pour moi, de par ma méconnaissance des lieux et d’un petit manque de communication entre chacun, j’aurais sûrement accompagné Peter. Un peu plus bas, découvrez les superbes photos de Peter.
À noter que Batsirai a réalisé aussi le même type de plan avec l’ascension du Furkapass. Il a descendu le versant opposé jusqu’à Geschinen puis est revenu en train jusqu’à Göschinen.














Malgré de belles éclaircies, il ne fait pas bien chaud car il y a un vent bien frais. Je ne vais pas m’attarder, je jette un coup d’œil à l’impressionnant mémorial d’Adrian Guex, un pilote d’avion qui s’est écrasé dans le coin en 1927… étonnant tout ce faste, il n’a même pas de page wikipedia ! Mais peut-être qu’à l’époque, c’était un exploit de voler aussi haut avec leur vieux coucou…

Comme d’habitude depuis le début du voyage, il n’y a aucun abri pour se changer tranquillement. Je me mets dans un coin du restaurant pour enfiler des vêtements chauds puis j’amorce mon retour vers Göschenen.
Retour à Göschenen
Pour la descente du Gotthardpass, je vais faire simple en empruntant intégralement la nouvelle route et en profitant à fond du plaisir de me laisser glisser sans arrêts photos jusqu’à Hospental.
À partir de ce dernier et en direction d’Andermatt, je profite de la vue sur les sommets environnants encore entourés de nuages mais moins nombreux. J’abandonne assez rapidement l’idée (pourtant bien tentante) de grimper l’Oberalppass en second rideau, n’aimant pas l’aspect gris foncé des nuages un peu plus haut et étant forcément hors rythme avec le programme chamboulé de la journée.
De plus, la fringale pourrait me tomber dessus à tout moment car il est prêt de 15h30 et je n’ai pas mangé depuis le petit-déjeuner. J’ai d’ailleurs bien faim et j’ai bien envie d’un bon casse-croûte… Je consulte mon smartphone pour voir s’il y a une info sur la collation du midi : finalement, je pourrais la faire à l’hôtel car Stephan a préparé un coin repas en libre-service dans l’une de ses pièces.



Je fais un détour par le centre-ville d’Andermatt. C’est très joli et ça sent bon la Suisse avec de superbes hôtels tout en bois et fleuris à tous les balcons. Bien sûr, tout est propre et nickel !



Après Andermatt, il ne me reste que la descente du défilé du Schöllenen jusqu’à Göschenen mais là aussi, je fais très simple en restant sur la route. Mais surtout je n’avais pas envie d’emprunter la voie verte, qui étant assez étroite, ne me semblait pas adaptée à la descente vertigineuse de certains passages. Comme il y a de belles éclaircies, je profite du contraste saisissant avec mon passage brumeux réalisé un peu plus tôt dans la journée.






Me voilà de retour à Göschenen. Je ne croise absolument personne à l’hôtel. Par contre, je dois patienter un peu avant de pouvoir rejoindre ma chambre car impossible d’y pénétrer à cause d’un bug avec le système d’ouverture de la porte. C’est vraiment embêtant car l’accueil de l’hôtel est fermé l’après-midi… j’aperçois une femme de ménage qui était occupé à pendre des draps au-dehors depuis ses appartements privés. Je suis sauvé, elle m’avait déjà dépanné la veille avec cette fichue porte. Je lui demande avec mon horrible anglais si elle peut m’aider tout en lui montrant le numéro de la chambre, elle a tout de suite compris avec un grand sourire car elle semble bien connaître cette porte récalcitrante ! Quelques instants plus tard, elle arrive à ouvrir la porte à grand renfort de coups d’épaule ! Elle me fait comprendre que ce serait préférable de la laisser entrouverte pour le reste du séjour lorsque je devais quitter ma chambre. Ça ne me dérange pas (je peux par contre la fermer et l’ouvrir sans problème de l’intérieur) et surtout je ne veux pas la déranger à tout instant car elle n’est pas de service. Je la remercie vivement pour son dépannage.
Je peux enfin partir à la recherche de la salle de repas et la trouve dans un recoin un peu secret de l’hôtel. C’est la partie historique du Weisses Rössli, un hôtel qui a… 150 ans ! Il a été modernisé mais a gardé quelques pièces comme une salle de repas et une bibliothèque qui sont magnifiques avec leur décor tout en boiserie. On s’y sentirait à coup sûr très bien les soirs d’hiver !






Après avoir grignoté les restes du pique-nique préparé par Stephan, je vais prendre une bonne douche. Après cela, il est près de 17h15 et comme la fin de l’après-midi est baignée par une très belle éclaircie, j’en profite pour aller faire un petit tour dans le village.
Je déniche un Coop, un magasin d’alimentation très populaire en Suisse. Ça me rappelle un paquet de souvenirs… d’abord, je me souviens qu’il y en avait un tout petit dans mon village natal il y a près de 40 ans ! Depuis, ils ont pratiquement tous disparu en France.
Par contre, en Suisse, cette enseigne a bien gardé son implantation et il m’arrivait d’aller y acheter de la fondue lorsque mes parents ont eu l’occasion, durant mes jeunes années, de pouvoir passer plusieurs vacances à Bluche (qui ressemble beaucoup à Göschenen) près de Crans-Montana dans le Valais. J’avais toujours trouvé ce lieu merveilleux, surtout avec la vue fantastique, depuis la terrasse du chalet où nous logions, sur les sommets du Valais (des 4000 dont le Cervin, emblème montagnard de la Suisse). Depuis, je suis un amoureux de la Suisse !
Bien sûr, je n’avais pas manqué d’y faire quelques belles sorties vélo : Crans-Montana (1503 m) par toutes les variantes, le Lac de Tseuzier (1779 m), Leukerbad (1545 m), Zinal (1674 m), Arolla (2009 m) et le Col du Simplon (2005 m).
Je m’offre une bière bien fraîche, la première depuis le début de ce voyage un peu particulier. Je m’installe à une table de pique-nique et la déguste tranquillement en repensant à cette journée un peu particulière. Malgré un programme chamboulé, cette sympathique ascension du Gotthardpass a sauvé ma journée. La partie sportive a été bien sûr moindre mais avec 36,4 km et 1006 m de D+, l’honneur est sauf ha ha ha !
Je savoure les rayons du soleil sur mon visage… j’en profite car les prévisions météo ne sont guère optimistes pour le reste du voyage ! Demain, c’est 2 énormes ascensions qui sont au programme avec le Sustenpass (2224 m) et le Grosse Scheidegg (1962 m)…



Ci-dessous, quelques souvenirs des autres membres du groupe qui ont organisé chacun à sa manière cette journée un peu spéciale :
Petite balade à Altdorf, très joli bourg situé à 28 km de Göschenen :









Repas dans la fameuse salle historique du Weisses Rössli :


Ascension du Göscheneralpsee (1797 m) depuis Göschenen (9,8 km à 7%) :





Balade touristique de Stephan au Gotthardpass :



Voir aussi :
Salut,
2 petites coquilles :
– dans le ceux, au lieu de dans le creux
– goudronnée soudainement à, au le de soudainement la place à…
Continue à nous régaler de tes sorties.
Hello Cédric,
Merci pour ta lecture attentive… les coquilles (et bien d’autres) ont été corrigées !
Patience pour la suite 😉